Troubles du comportement

Quand la violence détruit, la bienveillance reconstruit !

L’éducation canine dépasse largement le cadre de l’apprentissage de simples règles. Elle reflète la qualité du lien que nous forgeons avec nos chiens : un lien qui peut s’épanouir dans la confiance et la complicité, ou se briser sous l’emprise de la peur et de la contrainte.

En changeant de secteur géographique, j’ai été frappée de constater que les pratiques coercitives restent tristement répandues. Et pourtant, à une époque où le bien-être animal occupe une place centrale dans nos préoccupations, et où les connaissances sur les besoins émotionnels et cognitifs des chiens ont considérablement évolué, ces méthodes persistent.

Ces approches brutales ne se contentent pas de corriger des comportements : elles brisent des chiens, détruisent le lien avec leurs maîtres et laissent des cicatrices psychologiques profondes. Voici deux histoires révélatrices, parmi tant d’autres, qui témoignent de ces dégâts irréparables.

Le collier électrique : une confiance brisée, des séquelles durables.

C’est l’histoire d’un chien brisé, une histoire comme il en existe trop. Elle commence pourtant avec de bonnes intentions : sa maîtresse, aimante et pleine de bonne volonté, voulait offrir à son compagnon la meilleure éducation possible. Elle a fait ce que tant d’autres font : elle a fait confiance à un « professionnel », persuadée qu’il saurait guider son chien et renforcer leur lien. Mais ce qu’elle pensait être de l’éducation s’est transformé en cauchemar. Ce n’était pas un apprentissage, c’était de la maltraitance déguisée.

Ce chien, au tempérament indépendant et au fort caractère, aurait pu devenir un merveilleux compagnon, fidèle et protecteur. Mais le collier électrique a tout détruit. À chaque décharge, à chaque choc, son monde s’est effondré un peu plus. Il ne comprenait pas ce qu’on attendait de lui. Tout ce qu’il a appris, c’est que l’humain pouvait être source de douleur. Pas d’amour, pas de complicité : seulement de la peur.

Aujourd’hui, ce chien ne cherche pas le contact, ne réclame pas d’attention. Il n’y a pas d’étincelle dans ses yeux, plus de joie dans ses mouvements. Il vit, méfiant envers tout et tout le monde. Une simple caresse, un geste trop brusque, et le voilà grognant, prêt à se défendre contre un danger imaginaire. Même ceux qui l’aiment le plus ne sont pas épargnés.

Ce chien n’est pas dangereux. Il est abîmé. Profondément, irrémédiablement abîmé. Ce n’est pas lui le coupable. Ce n’est pas non plus particulièrement sa maîtresse, qui a voulu faire au mieux mais s’est trompée de guide. La faute repose sur ce prétendu « professionnel », sur ses méthodes brutales et obsolètes, qui n’ont laissé derrière elles qu’un être cassé, incapable de faire confiance à l’espèce humaine.

C’est un drame silencieux, mais qui se répète encore et encore. Chaque fois qu’un chien est soumis à ces pratiques cruelles, ce n’est pas seulement un comportement qu’on corrige : c’est une vie qu’on détruit. Et les cicatrices qu’elles laissent, elles, ne disparaissent jamais.

Le chien victime de tractions : de la frustration à l’agressivité.

Cette histoire est tout aussi marquante, et illustre les conséquences tragiques des mauvais conseils d’un professionnel mal formé. Ce chien, au départ sans problème particulier, devait suivre une éducation classique pour un jeune chien. Ses maîtres, bienveillants et sincèrement désireux de l’accompagner, cherchaient simplement à mieux comprendre et soutenir leur compagnon. Mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que cette quête d’aide allait les mener à une situation bien plus difficile qu’ils n’auraient pu imaginer.

Pour la marche en laisse, le professionnel leur a recommandé une méthode basée sur des tractions brutales, sous un nom trompeur : « clic ».

Bien loin du clicker training, cette méthode leur a été présentée comme une solution efficace pour éduquer leur chien. Plutôt que de tenir compte de ses émotions et de ses besoins, ils ont été conseillés de corriger violemment les comportements jugés indésirables.

Les conseils ne se limitaient pas à la marche en laisse. À la maison, on leur a suggéré d’utiliser la laisse pour « corriger » leur chien, en imposant des règles strictes sans prendre en considération son bien-être émotionnel. Les interactions avec d’autres chiens ont également été interdites.

Un exercice en particulier a été imposé : obliger le chien à attendre un ordre avant de franchir la porte de la maison. S’il avançait sans autorisation, il était réprimandé par un coup sec de la laisse. Ces pratiques, qui se faisaient passer pour de l’éducation, ont semé confusion et frustration chez le chien.

Au fil du temps, les effets sont devenus visibles. Lui qui, avant, se réjouissait de jouer avec ses congénères, est devenu plus stressé et réactif à leur simple présence.

La laisse, qui aurait dû être un symbole de promenade et de complicité, est devenue un objet de crainte. Bien qu’il ne réagisse plus aussi intensément aujourd’hui, le lien de confiance reste fragile.

Pour ses maîtres, cette situation est une épreuve difficile à vivre. Chaque jour, ils regrettent de ne pas avoir vu plus tôt l’impact de ces méthodes sur leur chien. Ils avaient simplement voulu ce qu’il y a de mieux pour lui, et c’est avec tristesse qu’ils réalisent qu’ils ont été mal orientés. Bien qu’ils n’aient jamais voulu causer de tort à leur chien, ils savent que des erreurs ont été faites. Ils se battent aujourd’hui pour retrouver la confiance et réparer leur relation, mais ils savent que ce chemin sera long. Malgré tout, leur amour pour lui reste intact, et ils sont déterminés à avancer ensemble.

Réparer les blessures, bâtir des ponts, pas des murs.

Les chiens que je rééduque après avoir subi des méthodes coercitives portent souvent des séquelles émotionnelles profondes, marquées par une colère, qu’elle soit explosive ou silencieuse. La colère silencieuse est la plus dévastatrice. Ces chiens, sans grognement ni aboiement, portent un regard fuyant, vide ou dur, comme s’ils avaient abandonné l’idée de toute relation avec l’humain. Leur souffrance est muette, leur rage contenue.

Ce n’est pas un choix. Après des corrections brutales, ces chiens ont appris que protester était inutile et dangereux. Alors, ils se taisent, mais leur colère persiste, enfouie au fond d’eux.

Certains extériorisent cette colère de manière explosive. Ils grognent, aboient, ou attaquent. Ces réactions ne sont pas le fruit d’une agressivité naturelle, mais d’une accumulation de peur, de frustration et de colère. Elles sont la conséquence de méthodes qui ont ignoré leurs émotions et besoins essentiels.

Ces comportements ne disparaissent pas en un jour. Les chiens blessés émotionnellement ont besoin de temps, de patience, et d’un environnement sécurisé pour reconstruire lentement leur confiance. Une approche respectueuse, loin des punitions et des cris, consiste à guider le chien en utilisant la compréhension de ses besoins émotionnels et une communication claire. Ce n’est pas une question de tout laisser faire, mais de l’accompagner pour qu’il apprenne à adopter des comportements appropriés par le biais de renforcements positifs.

L’idée n’est pas de forcer l’animal à obéir, mais de lui faire comprendre ce qui est attendu, tout en lui offrant la possibilité d’agir de manière autonome. L’éducation que je pratique repose sur des gestes clairs, sur la patience et sur l’écoute attentive de l’animal, sans le brusquer. Cela implique de récompenser les comportements positifs plutôt que de punir les erreurs, et de créer une relation fondée sur la coopération plutôt que sur la contrainte.

Contrairement aux méthodes coercitives, cette approche empathique permet d’établir une relation fondée sur la confiance. Elle repose sur la compréhension des besoins émotionnels du chien et sur une communication claire, guidant l’animal vers des comportements adaptés sans recourir à la violence.

Un cadre éducatif bien structuré est essentiel pour offrir au chien un équilibre émotionnel. Des règles justes et cohérentes, appliquées avec respect, permettent à l’animal de se sentir en sécurité et de mieux comprendre son environnement. Cet équilibre l’aide à s’épanouir tout en apprenant à gérer ses émotions de manière apaisée.

Cette approche inclut également la punition négative (retirer un élément plaisant en cas de comportement inadapté) sans pour autant générer de stress ou de peur. Cela aide le chien à comprendre ce qui est attendu de lui, tout en renforçant une relation saine et harmonieuse avec son maître.

Les chiens soumis à des méthodes coercitives sont des victimes silencieuses d’un système qui ne tient pas compte de leur bien-être. Ces pratiques détruisent non seulement les chiens, mais aussi la relation précieuse qu’ils partagent avec leurs maîtres.

En 2024, alors que nous comprenons mieux que jamais les besoins des animaux, ces méthodes n’ont plus aucune excuse pour exister. Il est impératif d’offrir à nos chiens une éducation basée sur le respect et la compréhension. Seules des approches respectueuses et adaptées permettront de construire une relation durable, équilibrée et digne de la confiance que nos chiens placent en nous.

Marlène

Marlène Berra

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